mercredi 18 janvier 2012

Batman, Stallone et le soutien-gorge énigmatique

Sylvester Stallone, Arnold Schwarzenegger, Bruce Willis, Jet Li et Jean-Claude Van Damme ont participé au tournage du film « The Expendable 2 ». Rien que du lourd, du musclé, du méchant. Avec des explosions et des cascades au menu, il y a eu des dégâts collatéraux : en Bulgarie, l’équipe de tournage a fait fuir des milliers de chauves-souris de la grotte Devetachka, les vouant à une mort probable, car elles étaient en pleine hibernation. Les scientifiques de Sofia ont porté plainte. Batman, l’homme chauve-souris, n’aurait pas laissé passer ça ! Et moi, j'irai pas voir le film...


oreillard brun, photo Douglas Kalifa


L'énigme du soutien-gorge vibreur


L'histoire est véridique. Je la tiens de Laetitia Barlerin, vétérinaire médiatique et auteure du livre "Histoires incroyables d'animaux pas comme les autres" (Albin Michel 2009).


Cela se passe dans une université des Etats-Unis. Étudiante timide, Jennifer Simon a un problème, mais elle n’ose pas se lever et déranger le cours, et encore moins affronter les sarcasmes des garçons. Ce n’est pas une envie pressante qui la préoccupe, c’est… une inquiétante vibration dans son soutien-gorge. La jeune fille a d’abord pensé au téléphone portable qu’elle porte autour du cou, mais il est éteint. Discrètes et irrégulières au début, les inexplicables vibrations deviennent continues. Jennifer frôle la panique, mais elle tient bon. À peine l’interminable exposé du maître est-il achevé qu’elle se rue dans les toilettes et cherche la raison de ses tourments. Et là, c’est le choc : elle découvre une chauve-souris, glissée entre le tissu et le coussinet de son soutien-gorge ! Le réflexe de répulsion une fois passé, elle relâche l’animal par la fenêtre des toilettes, finalement bien soulagée.


Décryptons cette histoire véridique avec la froideur qui sied au scientifique : les spécialistes le savent, plusieurs espèces de chauves-souris se mettent à vibrer lorsqu’on les prend dans la main. C’est aussi une manière de faire fuir les indésirables. Les mâles de grand murin, par exemple, bourdonnent de la même manière qu’un essaim de frelons lorsqu’un intrus s’approche de leur gîte. Bref, le fait que cette chauve-souris se sentant en danger se soit mise à vibrer est finalement tout à fait explicable. Mais que diable faisait-elle dans cette galère ?
C’est le moment de se rappeler que les chauves-souris repèrent facilement la moindre fissure de rocher, le moindre interstice dans lequel elles pourraient s’abriter. Or, Jennifer Simon s’est souvenue qu’elle avait fait sécher ses sous-vêtements la veille au soir dans son jardin, non loin d’un lampadaire fréquenté par les chauves-souris. Selon toute logique, l’une d’elles a cherché un refuge douillet au petit matin : l’énigme du soutien-gorge vibreur est résolue. ça vous a fait peur ?
Ce texte est extrait d'un livre en cours d'écriture à paraître chez Robert Laffont.


Portraits de chauves-souris extraordinaires (publiées dans Drosophile), esquisse au crayon pour une illustration du même livre à paraître chez Robert Laffont en 2013, qui ne parlera pas que de chauves-souris...
Cliquez sur le dessin pour le voir plus grand, cliquez sur le fond noir pour revenir à la page.


De gauche à droite, et de haut en bas

Chauve-souris porte-épée de Tomes (Lonchorhina aurita). Son nez en forme de glaive dépasse 2 cm de long. La languette interne de l’oreille (appelée tragus) joue un rôle dans la réception des ultrasons.
Hypsignathe monstrueux (Hypsignathus monstrosus). C’est la plus grande chauve-souris d’Afrique (1 m d’envergure), elle se sert plus de sa vue que de son système d’écholocation. Les mâles se rassemblent pour parader et chanter devant les femelles, comme le font nombre d’oiseaux à la saison des amours. C’est un des rares mammifères à adopter ce comportement nuptial.
Chauve-souris ridée (Centurio senex). Comme la chauve-souris porte-épée de Tomes et l’artibée, cet animal digne de la science-fiction fait partie des chauves-souris à feuille nasale du Nouveau Monde, aux faciès extraordinairement variés.
Nyctère de Geoffroy (Nycteris thebaica). Cette chauve-souris très agile vit au Moyen-Orient, en Afrique et à Madagascar. Elle attrape des scorpions au sol ou des insectes dans les arbres.
Molosse rouge (Molossus rufus). Certains molosses ont des bajoues pour transporter leur nourriture. Ils doivent leur nom à leur ressemblance avec les chiens.
Artibée (Artibeus sp.). Elle édifie des « tentes », dans lesquelles 20 à 30 animaux peuvent s’abriter. 16 espèces de chauves-souris d’Amérique tropicale se construisent des tentes en sectionnant le rachis (l’axe central) de grandes feuilles de plantes. La feuille se plie mais reste vivante, et la tente reste solide des années.


2012 est l'année internationale de la chauve-souris

5 commentaires:

  1. C'est incroyable de voir à quel point l'aspect de leur tête varie. Leurs déplacements se faisant souvent par écholocation , j'imagine que cette fonction à dû favoriser un grand dimorphisme des oreilles et des organes émetteurs de son selon le milieu où évoluent ces animaux.
    Votre illustration me pousse à me poser encore une fois cette question: pourquoi trouve-t-on des animaux "mignons" et d'autres repoussants?
    Car franchement, autant le Nyctère de Geoffroy à l'air sympa autant la chauve-souris ridée me ferait changer de trottoir si je la croisais en allant au cinéma pour ne pas aller voir « The Expendable 2 ».

    RépondreSupprimer
  2. Konrad Lorenz, un des fondateurs officiels de l'éthologie - la science du comportement - a étudié les stimuli qui nous faisaient craquer, notamment à travers les personnages de dessins animés. Ce qui nous attire le plus, ce sont les grands yeux, le front bombé, les joues pleines... Bref, tout Bambi ! Ces critères correspondent au bébé humain, que les traits infantiles nous rendent d'emblée irrésistiblement sympathiques.
    Mais ce sont des critères humains ! "Même la mère du cafard trouve son petit joli", dit un proverbe espagnol. Chaque espèce a des critères d'attirance très différents, et communique avec des sens différents. Les chauves-souris se servent peu de leur vue, et pas de la même manière que nous... Qu'on les trouve belles ou non leur importe peu, après tout. Pas plus que nous cherchons à leur plaire, d'ailleurs... Chacun vit dans son monde !

    RépondreSupprimer
  3. Cher Marc, j'ai lu 3 de vos livres que je garde précieusement : calme plat chez les soles, kama sutra des demoiselles et Darwin c'est tout bête, d'habitude, les livres, je les donne, mais cela non, je les garde.
    J'adore aussi écouter CO2 mon amour et les belles histoires de Jean-Marie Pelt.

    A moi de vous parler de mon livre "Artiste de plage" paru chez Actes Sud Junior, c'est un livre sans prétention qui propose aux enfants et aux plus grands bien sûr de jouer avec tout ce que l'on peut trouver sur la plage, cailloux, coquillages, bois flotté et même le plastique... Il sera ré-édité pour l'été prochain.

    Depuis que je pratique ce genre d'activité, je n'ai plus la même relation avec les petites choses, que j'observe sous toutes les coutures (je cherche toujours un tardigrade, tant votre description de cet être semble incroyable)... Tout est passionnant, tout est merveilleux, il suffit de prendre le temps d'observer, non ?
    Au fait, comment ça vit une dentale, je trouve beaucoup de ces coquillages sur la plage, mais vraiment, je me demande comment ils vivent sous l'eau ?

    En tous cas à bientôt, par ici ou par là,

    Sourires. Bettina

    RépondreSupprimer
  4. Merci Bettina ! ça fait toujours plaisir de savoir que l'on n'écrit pas pour rien, et qu'on sème un peu de passion...
    Les dentales sont des coquillages allongés - en forme de dent - qui vivent la tête constamment enfoncée dans le substrat. Ces mollusques attrapent leur nourriture minuscule (foraminifères, diatomées, microdétritus...) entre les grains de sable. Ils n'ont pas de branchies, ils respirent par le manteau. Il y a des mâles et des femelles, et la fécondation se fait dans l'eau.
    Si l'attachée de presse d'Actes Sud veut envoyer un exemplaire de votre livre aux JNE ou à moi-même, nous nous ferons un plaisir d'en parler sur notre site.
    Sourires itou, à bientôt donc !

    RépondreSupprimer
  5. bettina-olivier@orange.fr7 février 2012 à 04:56

    Cher Marc, l'attachée de presse d'Actes Sud est d'accord pour vous envoyer un exemplaire, mais pouvez-vous me dire à quelle adresse vous êtes sûr de le recevoir ?

    Merci d'avance pour votre réponse et à bientôt,

    Sourires. Bettina

    RépondreSupprimer